Front de gauche des Albères

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jeudi 7 juin 2012

Compte-rendu du débat à Argelès avec Francis Wurtz

L’Europe : comprendre pour agir
Argelès: vendredi 1er juin, salle Buisson, Francis Wurtz, député européen honoraire face à une assemblée de près de 90 personnes, attentive, désireuse de comprendre l'Europe et qui n'hésite pas à questionner  «le spécialiste» des  questions européennes.
Coté questions aucun tabou comme vous pourrez en juger et pas loin de deux heures à mettre sur le grill un orateur toujours clair, précis et synthétique dont  la plupart des réponses suivront un même modèle dialectique, à savoir une présentation pédagogique, complétée par une analyse politique pour déboucher sur l’appel à la mobilisation



 Un peu d’éducation pour commencer:
- Les groupes parlementaires au Parlement Européen
Le PPE (dont fait partie l’UMP) ,le PSD (qui inclut, entre autre, le PS français et les Démocrates Italiens (ce n’est plus tendance d’être socialiste en Italie!)); les Libéraux (avec le Modem); les Verts et Régionalistes et enfin Le Groupe Unitaire Européen (GUE) dont l’orateur a eu l’honneur d’être le Président, et puis des non inscrits (dont fait partie l’extrême droite).
Mais il faut aussi savoir que le fonctionnement de ce Parlement pousse les deux principaux groupes (la droite et le PSD) à faire alliance, car pour être votées, les motions doivent recueillir la majorité des inscrits. La ligne de démarcation droite / gauche s’en trouve effacée... on se souvient ce que cela a pu donner en France!
Education encore: Le Parlement a beaucoup de pouvoir bien plus qu’on ne le dit!
Alors là il y a va fort le Camarade! Nous ne sommes pas beaucoup dans la salle à penser cela! Mais l’assurance et l’expérience de F. Wurtz, nous font écouter la suite:

- Les règlements de Bruxelles n’existent que si ils sont agréés par le Parlement.
La Commission a le pouvoir unique de proposition des règlements (les Parlementaires ne l’ont pas). Pour qu’un règlement soit agréé il faut que le Parlement et le Conseil des Ministres Européen se mettent d’accord dans les mêmes termes. Il y a donc une double lecture et si besoin conciliation. A l’issue de quoi on vote un compromis. Si le Parlement refuse le règlement est abandonné. Un exemple à l'appui: la directive portuaire avec la première tentative de la Commission pour “ouvrir à la concurrence” les installations portuaires. Sous la pression d’une forte mobilisation le Parlement vote non. Quelques mois plus tard, la Commission essaye de profiter d’un Parlement nouvellement élu et plus à droite, pour représenter le projet. Une nouvelle mobilisation, qui fait valoir l’argument : «on vous prend pour qui? on vous fait revoter ce que vous aviez refusé». Le règlement mis en minorité est définitivement abandonné.
Bref Il y a un pouvoir du Parlement, mais il doit se conformer au Traité et il n’y a pas de majorité critique. Cela ne pourra changer qu’avec le rapport de force et la mobilisation citoyenne.

Le plat était un peu lourd à passer alors un peu de provocation  de la part de la salle....         
 - L’Europe sans l’Allemagne c’est possible?
Ne confondons pas l’Allemagne et Merkel. Avec la Droite ils en bavent les Allemands ! C'est ce que nous confirment nos amis de Die Linke et des Syndicats.
L’Europe ne peut se faire qu’avec l’Allemagne et la France et la Grande Bretagne, et l’Espagne et la Grèce bien sure!
-  Et l’action de l’Europe sur les souverainetés nationales?
Aujourd’hui, il y a effectivement une centralisation très forte autour d' un petit quarteron, voir un duo Merkel et Sarkozy (qui lui court après...)
L’illustration c’est Mario Monti, le Premier Ministre Italien, qui n’a jamais été confronté au suffrage universel. Son passé / passif de Commissaire Européen et chez Goldman & Sachs (1) suffit à en faire l’homme idéal pour le sale travail, d’autant plus qu’il dit ne pas vouloir se présenter aux prochaines élections!
Illustration avec la Grèce qui est menacée de se voir couper les crédits Européens si nos amis de Syriza arrivent en tête aux prochaines élections législatives.
Illustration encore avec l’Irlande, sous assistance financière qui se voit elle aussi aussi menacée si le non l’emporte au référendum sur le Pacte de Stabilité.
C’est très grave de voir ainsi la Commission dicter la politique de la France et des autres pays à travers ses “recommandations” sur les politiques budgétaires.
La Démocratie est en échec.
La tactique est maintenant bien rodée: on avance par petits pas (sans jamais reculer) et on profite des opportunités qu’offre la crise.
Autre exemple: les Espagnols doivent recapitaliser leurs banques à hauteur de 23 milliards d’Euros. Mais la Commission propose une Union Bancaire Européenne qui revient à déconnecter les Etats de la maitrise des banques pour la transférer vers Bruxelles. Si ça passe, cela rendrait impossible toute politique bancaire de nationalisation par exemple. Il faut révéler cette engrenage.
C’est ardu tout ça, mais tous le monde comprend et suit avec passion.

- le Commissaire Européen Barnier s’est plaint que les Prêts de la BCE (Banque Centrale Européenne) étaient accordés sans conditions, qu'en est-il ?
« La remarque  de Barnier était pertinente... mais bien tardive! » souligne Francis Wurtz. Nous, le Groupe Unitaire Européen, avions demandé que ces prêts ne se fassent que si leur utilisation était justifiée par les Banques. Au lieu de cela on assiste à un gaspillage de sommes considérables sans qu’aucune justification ne soit donnée.

- Ces prêts de la BCE, 1000 milliards d’Euros,  n’est -ce pas de la «planche à billets»?
Dans le contexte actuel ça pourrait l’être. Mais ce n’est pas fatal. Si ce sont des prêts efficaces qui se traduisent par la réalisation d’une valeur supplémentaire, cela ne créera pas d’inflation.
Il y a toujours besoin de créer de la monnaie, l’important c’est que ce ne soit pas à fond perdu , que cela génère réellement de la valeur. On peut créer alors une dette à rembourser sur le long terme qui permettra un développement social et écologique.
C’est complexe mais Francis Wurtz y reviendra.

Et puisqu’on est dans l’économie une nouvelle interrogation de la salle
-  Comment s’articule la question de la dette? et l’audit?
Il y a dans toute les dettes des Etats une part illégitime, qui a été utilisée pour de la pure spéculation.
En Grèce l’annulation massive de la dette est nécessaire. Mais cette solution ne peut pas être systématisée. Le contexte de la lutte de classes ,au niveau international ,ne le permet pas. Il faut penser chaque fois au cas par cas.
L’Argentine n’a pas payé sa dette, les camarades argentins disent avoir vécu 10 ans d’enfer.
On était parti pour jongler avec les milliards d’Euros on se retrouve en enfer (2)!

Un peu de stratégie internationale pour continuer:
-  Pourquoi les Etats Unis d’Amérique veulent remettre en place un bouclier de défense?
C’est la crainte de l’Iran qui sert de justification aux Américains. L’idée est que si on peut empêcher les autres de nous attaquer, on sera les plus forts. La Russie y est très opposée, au point d’y voir une agression.  Il faut reconnaître qu’un pays qui se croit à l’abri, est très incité à la domination...
Il y a eu des tentatives diplomatiques pour s’y opposer, mais on ne peut que regretter l’absence de mobilisation des peuples, comme dans les années 80, contre les fusées Pershing.

Mais décidément la salle aime l’économie ce soir...
- Une remarque « Le discours sur la croissance en Europe afin de justifier le Pacte de Stabilité est très opaque.... »
 C’est la raison pour laquelle nous parlons de développement social et écologique plutôt que de croissance qui est une notion relative.
-  Mais qui a voté le Traité de Lisbonne au Parlement français en Congrès?
 D’abord il y a une véritable entourloupe de Sarkozy en transformant le Traité Constitutionnel en Traité de Lisbonne afin de le faire revoter... avec le “prétexte” que ce n’était plus “Constitutionnel”!
Ensuite la Droite et une large partie du groupe PS ont voté pour. Ce vote a été l’objet d’une divergence forte chez les Socialistes et qui a fait débat dans le peuple de gauche.
Une clarification est nécessaire de la part du Parti Socialiste.
-  La position de la décroissance n’est elle pas préférable?
 Si on prend en considération les besoins en Europe, c’est une proposition très ambigüe.
Le mot croissance est délicat, c’est pour cela que nous préférons le cadre d’un développement social et écologique (3)
- Comment peut on se sentir concerné par la dette?
F. Wurtz ré-insiste : un Etat a le devoir de s’endetter pour la bonne cause, pour mettre à disposition des biens collectifs.
L’audit de la dette a pour fonction d’identifier cet endettement nécessaire et normal par rapport à ce qui relève de différentes formes de corruptions (financière, spéculative...).
Gardons à l’esprit que le développement de l’Humain est le cœur de notre programme.

- Existe -t -il une Cour des Comptes Européenne?
 Oui et elle sait être extrêmement tatillonne, j’en sais quelque chose lorsque j’étais Président du GUE!
C’est une Cour qui a conduit à des condamnations (un Député conservateur Britannique par exemple pour absence de notes de frais!)

Il est tard, alors une petite dernière pour la route!
- Les “lobbys” au Parlement Européen?...
Et pour la bonne bouche, une réponse gourmande, une histoire de chocolat!
Francis Wurtz nous explique comment il fut approché par un lobbyiste venu lui vanter le beurre de karité en remplacement de la fève de cacao afin de faire baisser le prix du chocolat et permettre aux plus pauvres d’en profiter.
Vu les difficultés de l’Afrique, notre démarcheur fut prestement éconduit et il n’est plus revenu.
Par contre il y a dans ce milieu de redoutables grands professionnels. La «Table Round European » est constituée des plus grands patrons européens. Ils produisent des rapports méticuleux et très intéressants dont on retrouve des paragraphes entiers,  des «copié -collé», dans les règlements de la Commission. C’est un monde structuré, bien hiérarchisé qui va des syndicalistes aux représentants d’entreprises.  C’est redoutable et cela a donné lieu à des scandales. On peut aussi faire le constat que les principales régions européennes ont toutes un personnel en permanence pour défendre leurs intérêts. Exemple idéal typique la Bavière dont les bureaux sont dans la cours même du Parlement de Bruxelles!

Maintenant, il est franchement tard et sur les tables au fond de la salle, il y a le verre de l'amitié, les olives,  qui nous attendent... les discussions continuent, les argumentaires s’échangent et se consolident.... Pour être plus forts, pour être mieux partagés!
 DB

(1) Banque d’affaires Américaine; une des principales responsables de la crise des Subprimes
(2) à rapprocher des propos de Aléxis Tsípras le Président de Syriza sur une Grèce: actuellement “en enfer”
(3) comment ne pas rapporter une discussion, d’après meeting avec l’orateur, où nous nous accordions pour dire que c’est peut être au niveau de la croissance que l’Europe vivait son échec le plus patent. Toutes les mesures de '”libéralisation des marchés” ont été justifiées car il fallait lever “les freins à la croissance”. Résultats des courses, l’Europe et en particulier la zone Euro est la région du monde qui présente les plus faibles aux de croissance.



1 commentaire:

  1. très belle conférence de f. wurtz , qui nous a éclairé sur des sujets rarement abordés , le fonctionnement des institutions européennes et le poids qu'elles ont sur notre vie quotidienne .
    débat de grande qualité .
    encore merci aux organisateurs , et bien sûr à mr wurtz

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