L’Europe :
comprendre pour agir
Argelès:
vendredi 1er juin, salle Buisson, Francis Wurtz, député européen honoraire face
à une assemblée de près de 90 personnes, attentive, désireuse de comprendre
l'Europe et qui n'hésite pas à questionner
«le spécialiste» des questions
européennes.
Coté questions aucun tabou comme vous
pourrez en juger et pas loin de deux heures à mettre sur le grill un orateur
toujours clair, précis et synthétique dont la plupart des
réponses suivront un même modèle dialectique, à savoir une présentation
pédagogique, complétée par une analyse politique pour déboucher sur l’appel à
la mobilisation
Un peu d’éducation pour commencer:
- Les groupes parlementaires au
Parlement Européen
Le PPE (dont fait partie l’UMP) ,le
PSD (qui inclut, entre autre, le PS français et les Démocrates Italiens (ce
n’est plus tendance d’être socialiste en Italie!)); les Libéraux (avec le
Modem); les Verts et Régionalistes et enfin Le Groupe Unitaire Européen (GUE)
dont l’orateur a eu l’honneur d’être le Président, et puis des non inscrits
(dont fait partie l’extrême droite).
Mais il faut aussi savoir que le
fonctionnement de ce Parlement pousse les deux principaux groupes (la droite et
le PSD) à faire alliance, car pour être votées, les motions doivent recueillir
la majorité des inscrits. La ligne de démarcation droite / gauche s’en trouve
effacée... on se souvient ce que cela a pu donner en France!
Education encore: Le Parlement a
beaucoup de pouvoir bien plus qu’on ne le dit!
Alors là il y a va fort le Camarade!
Nous ne sommes pas beaucoup dans la salle à penser cela! Mais l’assurance et
l’expérience de F. Wurtz, nous font écouter la suite:
- Les règlements de Bruxelles
n’existent que si ils sont agréés par le Parlement.
La Commission a le pouvoir unique de
proposition des règlements (les Parlementaires ne l’ont pas). Pour qu’un
règlement soit agréé il faut que le Parlement et le Conseil des Ministres
Européen se mettent d’accord dans les mêmes termes. Il y a donc une double
lecture et si besoin conciliation. A l’issue de quoi on vote un compromis. Si
le Parlement refuse le règlement est abandonné. Un exemple à l'appui: la directive portuaire avec la première tentative de la
Commission pour “ouvrir à la concurrence” les installations portuaires. Sous la
pression d’une forte mobilisation le Parlement vote non. Quelques mois plus
tard, la Commission essaye de profiter d’un Parlement nouvellement élu et plus
à droite, pour représenter le projet. Une nouvelle mobilisation, qui fait
valoir l’argument : «on vous prend pour qui? on vous fait revoter ce que vous
aviez refusé». Le règlement mis en minorité est définitivement abandonné.
Bref Il y a un pouvoir du Parlement,
mais il doit se conformer au Traité et il n’y a pas de majorité critique. Cela
ne pourra changer qu’avec le rapport de force et la mobilisation citoyenne.
Le plat était un peu lourd à passer
alors un peu de provocation de la part
de la salle....
- L’Europe sans l’Allemagne c’est possible?
Ne confondons pas l’Allemagne et
Merkel. Avec la Droite ils en bavent les
Allemands ! C'est ce que nous confirment nos amis de Die Linke et des
Syndicats.
L’Europe ne peut se faire qu’avec
l’Allemagne et la France et la Grande Bretagne, et l’Espagne et la Grèce bien
sure!
-
Et l’action de l’Europe sur les souverainetés nationales?
Aujourd’hui, il y a effectivement une
centralisation très forte autour d' un petit quarteron, voir un duo Merkel et
Sarkozy (qui lui court après...)
L’illustration c’est Mario Monti, le
Premier Ministre Italien, qui n’a jamais été confronté au suffrage universel.
Son passé / passif de Commissaire Européen et chez Goldman & Sachs (1)
suffit à en faire l’homme idéal pour le sale travail, d’autant plus qu’il dit
ne pas vouloir se présenter aux prochaines élections!
Illustration avec la Grèce qui est
menacée de se voir couper les crédits Européens si nos amis de Syriza arrivent
en tête aux prochaines élections législatives.
Illustration encore avec l’Irlande,
sous assistance financière qui se voit elle aussi aussi menacée si le non
l’emporte au référendum sur le Pacte de Stabilité.
C’est très grave de voir ainsi la
Commission dicter la politique de la France et des autres pays à travers ses
“recommandations” sur les politiques budgétaires.
La Démocratie est en échec.
La tactique est maintenant bien rodée:
on avance par petits pas (sans jamais reculer) et on profite des opportunités
qu’offre la crise.
Autre exemple: les Espagnols doivent
recapitaliser leurs banques à hauteur de 23 milliards d’Euros. Mais la
Commission propose une Union Bancaire Européenne qui revient à déconnecter les
Etats de la maitrise des banques pour la transférer vers Bruxelles. Si ça
passe, cela rendrait impossible toute politique bancaire de nationalisation par
exemple. Il faut révéler cette engrenage.
C’est ardu tout ça, mais tous le monde
comprend et suit avec passion.
- le Commissaire Européen Barnier
s’est plaint que les Prêts de la BCE (Banque Centrale Européenne) étaient
accordés sans conditions, qu'en est-il ?
« La remarque de Barnier était pertinente... mais bien
tardive! » souligne Francis Wurtz. Nous, le Groupe Unitaire Européen,
avions demandé que ces prêts ne se fassent que si leur utilisation était
justifiée par les Banques. Au lieu de cela on assiste à un gaspillage de sommes
considérables sans qu’aucune justification ne soit donnée.
- Ces prêts de la BCE, 1000 milliards
d’Euros, n’est -ce pas de la «planche à
billets»?
Dans le contexte actuel ça pourrait
l’être. Mais ce n’est pas fatal. Si ce sont des prêts efficaces qui se
traduisent par la réalisation d’une valeur supplémentaire, cela ne créera pas
d’inflation.
Il y a toujours besoin de créer de la
monnaie, l’important c’est que ce ne soit pas à fond perdu , que cela génère
réellement de la valeur. On peut créer alors une dette à rembourser sur le long
terme qui permettra un développement social et écologique.
C’est complexe mais Francis Wurtz y
reviendra.
Et puisqu’on est dans l’économie une
nouvelle interrogation de la salle
-
Comment s’articule la question de la dette? et l’audit?
Il y a dans toute les dettes des Etats
une part illégitime, qui a été utilisée pour de la pure spéculation.
En Grèce l’annulation massive de la
dette est nécessaire. Mais cette solution ne peut pas être systématisée. Le
contexte de la lutte de classes ,au niveau international ,ne le permet pas. Il
faut penser chaque fois au cas par cas.
L’Argentine n’a pas payé sa dette, les
camarades argentins disent avoir vécu 10 ans d’enfer.
On était parti pour jongler avec les
milliards d’Euros on se retrouve en enfer (2)!
Un peu de stratégie internationale
pour continuer:
-
Pourquoi les Etats Unis d’Amérique veulent remettre en place un bouclier
de défense?
C’est la crainte de l’Iran qui sert de
justification aux Américains. L’idée est que si on peut empêcher les autres de
nous attaquer, on sera les plus forts. La Russie y est très opposée, au point
d’y voir une agression. Il faut
reconnaître qu’un pays qui se croit à l’abri, est très incité à la
domination...
Il y a eu des tentatives diplomatiques
pour s’y opposer, mais on ne peut que regretter l’absence de mobilisation des
peuples, comme dans les années 80, contre les fusées Pershing.
Mais décidément la salle aime
l’économie ce soir...
- Une remarque « Le discours sur
la croissance en Europe afin de justifier le Pacte de Stabilité est très
opaque.... »
C’est la raison pour laquelle nous parlons de
développement social et écologique plutôt que de croissance qui est une notion
relative.
-
Mais qui a voté le Traité de Lisbonne au Parlement français en Congrès?
D’abord il y a une véritable entourloupe de
Sarkozy en transformant le Traité Constitutionnel en Traité de Lisbonne afin de
le faire revoter... avec le “prétexte” que ce n’était plus “Constitutionnel”!
Ensuite la Droite et une large partie
du groupe PS ont voté pour. Ce vote a été l’objet d’une divergence forte chez
les Socialistes et qui a fait débat dans le peuple de gauche.
Une clarification est nécessaire de la
part du Parti Socialiste.
-
La position de la décroissance n’est elle pas préférable?
Si on prend en considération les besoins en
Europe, c’est une proposition très ambigüe.
Le mot croissance est délicat, c’est
pour cela que nous préférons le cadre d’un développement social et écologique
(3)
- Comment peut on se sentir concerné
par la dette?
F. Wurtz ré-insiste : un Etat a
le devoir de s’endetter pour la bonne cause, pour mettre à disposition des
biens collectifs.
L’audit de la dette a pour fonction
d’identifier cet endettement nécessaire et normal par rapport à ce qui relève
de différentes formes de corruptions (financière, spéculative...).
Gardons à l’esprit que le
développement de l’Humain est le cœur de notre programme.
- Existe -t -il une Cour des Comptes
Européenne?
Oui et elle sait être extrêmement tatillonne,
j’en sais quelque chose lorsque j’étais Président du GUE!
C’est une Cour qui a conduit à des
condamnations (un Député conservateur Britannique par exemple pour absence de
notes de frais!)
Il est tard, alors une petite dernière
pour la route!
- Les “lobbys” au Parlement
Européen?...
Et pour la bonne bouche, une réponse
gourmande, une histoire de chocolat!
Francis Wurtz nous explique comment il
fut approché par un lobbyiste venu lui vanter le beurre de karité en
remplacement de la fève de cacao afin de faire baisser le prix du chocolat et permettre
aux plus pauvres d’en profiter.
Vu les difficultés de l’Afrique, notre
démarcheur fut prestement éconduit et il n’est plus revenu.
Par contre il y a dans ce milieu de
redoutables grands professionnels. La «Table Round European » est
constituée des plus grands patrons européens. Ils produisent des rapports
méticuleux et très intéressants dont on retrouve des paragraphes entiers, des «copié -collé», dans les règlements de la
Commission. C’est un monde structuré, bien hiérarchisé qui va des syndicalistes
aux représentants d’entreprises. C’est
redoutable et cela a donné lieu à des scandales. On peut aussi faire le constat
que les principales régions européennes ont toutes un personnel en permanence
pour défendre leurs intérêts. Exemple idéal typique la Bavière dont les bureaux
sont dans la cours même du Parlement de Bruxelles!
Maintenant, il est franchement tard et
sur les tables au fond de la salle, il y a le verre de l'amitié, les
olives, qui nous attendent... les
discussions continuent, les argumentaires s’échangent et se consolident....
Pour être plus forts, pour être mieux partagés!
DB
(1) Banque d’affaires Américaine; une des principales responsables
de la crise des Subprimes
(2) à rapprocher des propos de Aléxis Tsípras le Président de Syriza
sur une Grèce: actuellement “en enfer”
(3) comment ne pas rapporter une discussion, d’après meeting avec
l’orateur, où nous nous accordions pour dire que c’est peut être au niveau de
la croissance que l’Europe vivait son échec le plus patent. Toutes les mesures
de '”libéralisation des marchés” ont été justifiées car il fallait lever “les
freins à la croissance”. Résultats des courses, l’Europe et en particulier la
zone Euro est la région du monde qui présente les plus faibles aux de
croissance.
très belle conférence de f. wurtz , qui nous a éclairé sur des sujets rarement abordés , le fonctionnement des institutions européennes et le poids qu'elles ont sur notre vie quotidienne .
RépondreSupprimerdébat de grande qualité .
encore merci aux organisateurs , et bien sûr à mr wurtz