Quel sens cela a-t-il de se dire «communiste» en 2012 ?
Le communisme, c’est une mise en commun, un partage. Et la révolte
contre l’injustice est toujours autant d’actualité. Tous les systèmes
d’aliénation doivent être dépassés pour inventer une autre manière de
vivre ensemble. Après plusieurs décennies de mondialisation accélérée,
on voit aujourd’hui émerger la question des
«biens communs» de l’humanité et revenir celle de la maîtrise sociale des richesses. Pendant une partie du XX
e siècle,
les idées communistes ont été dogmatisées, jusqu’à être détournées de
leur objet dans les pays de l’Est. Mais les idées communistes,
au-delà
des caricatures et de leurs perversions profondes, restent valables.
Cela suppose un effort d’invention extrêmement profond pour penser des
solutions dans un monde très différent.
Par exemple ?
L’impasse majeure des expériences communistes a été l’aveuglement
démocratique. Il a empêché de dépasser les obstacles rencontrés.
Aujourd’hui, les modèles représentatifs touchent leurs limites à cause
d’un niveau inédit de savoir dans la société. Les démocraties doivent
être profondément renouvelées. Le sens de la production doit être
repensé. La question du sens des richesses produites, qu’il s’agisse de
leur utilité et de leur finalité, devient décisive pour l’avenir
écologique de la planète.
En tant que communiste, êtes-vous toujours opposé à la propriété privée des moyens de production ?
La vision étatiste, centralisée de la propriété collective est
dépassée, mais pas l’appropriation sociale des richesses. Le système de
la Sécurité sociale, créé en France à la Libération à l’initiative d’un
ministre PCF, est une idée profondément communiste ! Prélever à la
source une partie des richesses pour la consacrer au bien-être social
des populations, c’est communiste ! Mais cela n’est pas contradictoire
avec l’existence d’entreprises privées ! Le communisme aujourd’hui est
tout sauf un égalitarisme qui s’imposerait de manière administrative et
qui nierait le travail. Les individus ont besoin de confronter librement
leurs envies de création. Mais, je n’aspire pas à une société idéale.
C’est une révolution chez les communistes de ne plus avoir l’idéal comme horizon !
Je suis animé par le fait de rêver une société, mais ça n’a rien à
voir avec définir une société idéale. Je ne crois pas plus au communisme
par plans quinquennaux. Le communisme est un mouvement, un chemin de
projets partagés, sans cesse remis en discussion. Ce n’est pas une
société parfaite à atteindre.
Le communisme d’aujourd’hui ne serait-il pas devenu le socialisme d’hier ?
Entre 1830 et 1917,
le Manifeste du Parti communiste de Marx
et Engels se décline dans une multitude d’expériences dites
socialistes. Mais à partir de 1917, un débat traverse les forces
socialistes dans le monde entier, et un très grand nombre d’entre elles
choisit la voie communiste. Relisez les textes socialistes de 1936, vous
verrez la distance avec ce que dit le PS actuel. Le PCF d’aujourd’hui
est l’héritier des traditions socialistes et communistes de la première
moitié du XX
e siècle, alors que la plupart des sociaux-démocrates ont perdu le fil de cette tradition.
Mais pourquoi garder le nom «communiste» ? Par nostalgie ?
Parce que la gauche française s’est structurée en deux grands
courants issus de la même matrice. Les communistes et les socialistes.
Cela marque les consciences et les cultures. A partir des années 60, ces
deux grands courants ont eu des stratégies communes de conquête du
pouvoir à travers un programme commun, la gestion de municipalités, des
expériences gouvernementales. C’est une originalité française d’avoir eu
en Europe une gauche très à gauche ! Mais on voit aujourd’hui, à
rebours de l’histoire, le PS français vouloir faire tardivement une mue
sociale-démocrate. Au moment où toute la gauche française doit repenser
ses fondamentaux ! Avec la stratégie du Front de gauche, le PCF est
engagé dans une transformation très profonde. En tirant les leçons de
son histoire et grâce aux nouvelles générations.
Le communisme productiviste et l’écologie sont-ils compatibles ?
Ils sont inséparables. Produire toujours plus sans se poser la
question de savoir si on répond à des besoins utiles, cela n’a pas de
sens. La réflexion écologique permet de s’interroger sur le sens de
l’activité humaine. Mais pour penser la transition écologique, nous
aurons besoin d’outils industriels. On peut à la fois défendre notre
industrie et défendre le fait qu’elle doit connaître une mutation. Nous
sommes bien conscients que si la prévention écologique n’est pas
intégrée dans l’activité industrielle, celle-ci va continuer à faire des
dégâts environnementaux.
Les déchets nucléaires engagent des générations… Vous êtes toujours pronucléaire ?
Pour certains, le nucléaire est devenu l’alpha et l’oméga de la
question écologique. C’est très réducteur. Deux questions se posent :
est-ce que la maîtrise de cette technologie dans de bonnes conditions
écologiques est possible ? Est-ce que les risques sont supportables et
répondent aux enjeux énergétiques ? Si la société répond que le
nucléaire ne doit pas être utilisé, les ouvriers du secteur, avec leur
haut niveau de qualification, peuvent facilement se reconvertir. Si on
considère qu’il reste nécessaire, il faut créer des conditions de
sécurité suffisantes pour les salariés comme pour la société.
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