Par geneviève Azam, membre du conseil scientifique d’Attac France.
Le sommet de la Terre, vingt ans après celui de Rio de Janeiro en
1992, a concentré les impasses du monde présent et a abouti à un texte
final qui, au-delà de quelques ouvertures potentielles, est une
véritable régression.
Vingt ans après, Rio 1992 apparaît comme une enclave dans un monde
qui se vouait aux politiques néolibérales. Avec le développement durable
et la mise en place de trois conventions internationales, il signifiait
une volonté d’engagement multilatéral pour traiter les dérèglements
globaux de la planète. La déclaration de président des États-Unis à
l’ouverture du sommet, George Bush père, selon laquelle le mode de vie
américain n’était pas négociable, n’avait pas empêché la signature d’un
texte qui signifiait un compromis social-démocrate.
Le développement durable devait engager les sociétés et les États à
poursuivre des politiques pour la réduction de la pauvreté, le
développement et la sauvegarde de la planète. Ce compromis s’inspirait, à
l’échelle du monde, de celui des Trente Glorieuses dans les pays
industriels. Il restait fondé sur l’idée que la croissance économique,
désormais activée par la mondialisation, pourrait permettre la poursuite
et l’extension du modèle de société occidental et du capitalisme.
Les politiques néolibérales ont rapidement emporté avec elles ces
illusions social-démocrates : la globalisation économique et financière,
la concurrence internationale ont placé les lois de l’économie aux
postes de commande. Le développement durable s’est trouvé réduit à la
promotion d’une économie verte, censée par elle-même résoudre les
problèmes de l’emploi, de la pauvreté, de la crise écologique.
Cette économie verte se voudrait le nouvel horizon du capitalisme :
le vert de l’économie exprime en effet la tentative de conquête d’un
nouveau continent, celui des richesses naturelles et des services
écosystémiques, qu’il s’agit d’inclure dans le cycle du capital.
La crise systémique que vivent les pays industriels anciens jointe
aux choix des pays émergents, qui reproduisent à une échelle immense ce
modèle productiviste, ont fait taire toute velléité multilatérale et
toute possibilité d’une réglementation internationale fondée sur les
limites de la planète, la redistribution des richesses, et la
reconnaissance des droits humains fondamentaux. Le texte final renvoie
au contraire la gestion des crises globales aux bons soins des
politiques nationales.
Le droit humain à l’eau et à l’assainissement, reconnu par la
résolution de l’assemblée générale des Nations unies en 2010, n’est pas
repris. L’eau doit relever de la gestion nationale ! Mais comme le nuage
de Tchernobyl, l’eau coule et ne connaît pas les frontières : quid du
partage équitable des eaux transfrontalières et de la gestion de la
ressource en eau par bassin versant, sachant que les 276 bassins
transfrontaliers dans le monde hébergent 40 % de la population mondiale
et représentent environ 60 % du débit d’eau douce mondiale ?
Ce retour affirmé aux politiques nationales ne signifie en rien une
relocalisation ou une « déglobalisation ». La place donnée aux
transnationales regroupées dans le Global Compact, cité explicitement
dans le texte comme partenaire essentiel, l’ode au libre-échange, la
nécessaire inclusion dans les marchés mondiaux pour les millions de
paysans qui meurent de faim, ne laisse aucune illusion : la souveraineté
nationale exprime seulement la latitude laissée aux États de se
soumettre aux exigences des marchés, sans limites.
Enfin, le texte final fait de la croissance économique mondiale,
citée près de trente fois, l’alfa et l’oméga de la sortie des crises.
Pas un mot des limites des ressources et des nécessaires bifurcations et
ruptures du modèle productiviste. Pas un mot des rapports scientifiques
qui se succèdent pour sonner l’alerte.
L’ouverture du sommet par une mise en communication avec une navette
spatiale et la célébration des exploits techniques était bien loin de
2001, l’Odyssée de l’espace, film culte de Stanley Kubrick qui montre
comment la Terre est menacée par les machines « intelligentes »
fabriquées par les humains.
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